Le nouveau Code de procédure civile ne verra pas encore le jour. Par un arrêt rendu le 4 août, la Cour constitutionnelle a renvoyé la loi 02-23 dans le circuit législatif, estimant que plusieurs de ses dispositions contreviennent aux principes de la Constitution. Ce revers législatif oblige les deux chambres du Parlement à reprendre l’examen du texte, adopté en juillet dernier après de longs mois de débats.
Le Code de procédure civile fixe les règles encadrant les démarches judiciaires devant les tribunaux civils. Il ne détermine pas les droits des parties mais précise les modalités permettant de les faire valoir : introduction d’une plainte, délais à respecter, recours possibles, ou encore organisation des acteurs du procès. Son champ d’application concerne l’ensemble des litiges civils opposant des particuliers ou des institutions.
Après un parcours de près de deux ans, entamé en août 2023, le texte avait finalement obtenu l’approbation des deux chambres du Parlement. Sa mouture finale était le fruit de compromis difficiles, notamment avec les représentants du barreau, qui s’étaient opposés à certaines dispositions comme la possibilité de comparaître sans avocat ou la limitation du droit d’appel pour les litiges de faible montant.
La décision de la Cour repose sur des arguments de fond. L’article 17, qui permettait au ministère public de faire annuler une décision judiciaire passée en force de chose jugée pendant un délai de cinq ans au nom de l’ordre public, a été jugé contraire au principe de sécurité juridique. La Cour estime qu’une telle faculté, si elle n’est pas strictement encadrée, fragilise la confiance des citoyens dans la justice.
Le droit à un procès équitable est également au cœur des remarques. L’article 84 autorisait un huissier à remettre une convocation à un proche de la personne concernée, à condition qu’il « semble » avoir au moins seize ans. L’imprécision du critère d’« apparence » a été considérée comme porteuse d’insécurité pour les justiciables.
La tenue des audiences à distance, prévue à l’article 90, a soulevé d’autres inquiétudes. La Cour a pointé l’absence de garanties précises encadrant cette modalité, notamment en matière de confidentialité, de sécurité des échanges et de consentement des parties.
Deux autres articles ont été censurés pour ne pas permettre aux parties de répondre aux conclusions du commissaire royal, ce qui constitue une entrave au principe de l’égalité des armes devant la justice.
L’article 339, qui imposait une motivation du jugement uniquement en cas de rejet, contrevient également à la Constitution, qui exige une motivation dans tous les cas.
La séparation des pouvoirs a enfin été invoquée à plusieurs reprises. Les articles 408 et 410 autorisaient le ministre de la Justice à saisir la Cour de cassation, ce qui empiète, selon la Cour, sur les prérogatives exclusives du pouvoir judiciaire. De même, la gestion du système d’information des tribunaux, confiée au ministère de la Justice en coordination avec le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire et le ministère public, a été jugée incompatible avec l’indépendance de la justice.
Sur les 644 articles que compte le texte, seuls une dizaine ont été retoqués. Mais ce rejet suffit à renvoyer l’ensemble de la loi devant le Parlement. Elle devra donc être réexaminée, corrigée et soumise à nouveau au contrôle de la Cour constitutionnelle. Rien ne garantit que la prochaine mouture passera sans encombre.
Ce revers intervient alors même que le projet de réforme de la procédure pénale, autrement plus sensible, suit son propre chemin parlementaire. La suite risque d’être tout aussi scrutée.