Le recul de la pauvreté multidimensionnelle se confirme au Maroc, porté par une amélioration sensible des conditions de vie, surtout en milieu rural. Entre 2014 et 2024, la proportion de la population concernée est tombée de 11,9% à 6,8%, réduisant de moitié l’indice national. Si les efforts publics ont produit des effets mesurables, des disparités régionales et provinciales importantes subsistent.
La pauvreté est ici abordée dans une approche renouvelée, fondée non plus seulement sur les revenus, mais sur l’accès à l’éducation, à la santé et à des conditions de vie décentes. Selon cette méthode, un ménage est considéré comme pauvre dès lors qu’il cumule des privations équivalentes à un tiers des indicateurs évalués. Cette grille de lecture permet d’appréhender des formes d’exclusion que les statistiques monétaires traditionnelles peinent à rendre visibles.
Les données issues des recensements de 2014 et 2024 ont permis au Haut-Commissariat au Plan d’élaborer une cartographie fine de ces inégalités. Ce travail met en évidence l’évolution contrastée des territoires. Sur le plan national, la pauvreté recule, mais elle reste ancrée dans les zones rurales, où vivent encore près des trois quarts des personnes touchées.
Le monde rural, bien que largement bénéficiaire de la dynamique de réduction de la pauvreté, reste en retard par rapport aux zones urbaines. Le taux y est passé de 23,6% à 13,1% en dix ans, contre une stabilisation autour de 3% dans les villes. La vulnérabilité reste également concentrée à la campagne, avec près de trois millions de personnes exposées à des privations modérées, soit un risque élevé de basculer dans la pauvreté.
Au niveau régional, toutes les régions ont connu un repli de la pauvreté multidimensionnelle, plus marqué là où les besoins étaient les plus criants. Les baisses les plus fortes ont été enregistrées dans les régions de Marrakech-Safi, Béni Mellal-Khénifra, Tanger-Tétouan-Al Hoceïma et Drâa-Tafilalet. À l’opposé, les régions déjà mieux loties ont vu leurs indicateurs peu évoluer. En 2024, six régions restent au-dessus de la moyenne nationale, avec Béni Mellal-Khénifra et Fès-Meknès en tête. Cinq régions regroupent à elles seules près de 70% des personnes pauvres.
Les disparités s’accentuent à l’échelle provinciale. Si la tendance générale est à l’amélioration, certaines provinces accusent encore des taux de pauvreté très élevés, notamment Figuig et Taounate, qui dépassent les 20%. D’autres, comme Azilal, Chichaoua ou Essaouira, affichent des reculs impressionnants mais partent de très hauts niveaux. Dans les grandes villes et les provinces du Sud, les changements sont restés marginaux.
Côté vulnérabilité, plusieurs provinces cumulent des taux alarmants. Treize d’entre elles concentrent à elles seules près du tiers des personnes à risque à l’échelle nationale. Une situation qui appelle à des interventions ciblées et différenciées selon les réalités locales.
La dynamique de réduction de la pauvreté s’observe également au niveau communal. Plus de 93% des communes du pays ont vu leur situation s’améliorer entre 2014 et 2024, avec des progrès plus nets dans les zones rurales. Les communes qui affichaient les taux les plus élevés ont enregistré les baisses les plus importantes. En milieu urbain, la moitié des localités présentent aujourd’hui un taux inférieur à 5%.
Les politiques de ciblage, notamment à travers l’Initiative Nationale pour le Développement Humain, ont contribué à cette évolution. Dans les communes rurales ayant bénéficié du programme, la baisse de la pauvreté a été plus marquée que dans celles qui n’en ont pas profité. Ces résultats confirment l’utilité d’un ancrage territorial des politiques publiques de lutte contre la pauvreté.